Je travaille sur les quais...

Je travaille sur les quais, dans les cales, au fond des docks. Je suis débardeur aujourd'hui, arrimeur demain, et après-demain soutier. J'ai un bel insigne, en carton, qui doit être suspendu perpétuellement au deuxième bouton de ma vareuse. Tout mon barda est resté sur mon cargo. Je suis vêtu à la mode des marins du pays: espadrilles, pantalon de coutil et tricot, le tout attaché tant bien que mal par quelques bouts de fil caret. J'aimerais t'envoyer mon portrait. Mais l'usage de la photographie est interdit. Quiconque prend un cliché est considéré comme espion. On l'envoie tâter ailleurs ce qui s'y passe. J'en ai vu d'autres. Je n'avais qu'à ne pas me faire casser la jambe.

Mon étiquette de carton porte la faucille et le marteau, agrémentés d'une ancre symbolique. Mon nom et un unméro d'ordre y sont inscrits. Grâce à ce bulletin, je puis circuler, pourvu que l'on sache à chaque minute où je suis. Je dois rendre compte de chacun de mes gestes et du moindre de mes mouvements.