La Kamarade Tchouta...

La kamarade Tchouta paraît viingt-cinq ans. Elle réussit à être présentable, malgré l'accoutrement uniforme des femmes d'ici: un fichu de laine verdie, une jupe sans forme, des bottes de moleskine cirée. Ce vêtement de pauvresse ne peut lui enlever le charme d'un visage triste aux yeux luisants de passion. L'auréole de ses cheveux négligés et blonds ressemble à une poignée d'épis. Elle a l'aisance naturelle des animaux sveltes, même mal nourris. Elle a l'audace des jeunes qui croient avoir tout découvert et compris. Elle est insupportable.

Je te vois sourire, vieux frangin. Tu t'imagines que, n'ayant rien à faire, je me perds dans l'un de ces béguins que tout marin doit avoir en chaque port. Tu te trompes. Si quelqu'un peut me taper sur les nerfs, c'est cette Tchouta. Elle me tance et me morigène comme un enfant de l'école primaire. Les attitudes sont partagées. Je te l'envoie promener - et comment- dans un langage fleuri, quand elle me traite de vieille bourrique, d'immonde bourgeois et d'esclave de l'infâme capital.