Mon vieux frangin...

Mon vieux frangin, 

C'est vraiment cocasse. Je viens de recevoir ta carte et tes voeux de nouvel an. Tu me demandes ce qui se passe dans notre vieille Europe. Tu n'y comprends rien, me dis-tu, dans tes montagnes de haute Guyane, où tu cherches des pépites d'or, entouré de sauvages. Tu réclames de moi, l'éternel voyageur, de t'écrire ce que je vois et ce que je prévois. D'habitude, je te renseigne sur ce qui se passe, sans y comprendre grand chose: bien malin celui qui devine le comment et le pourquoi des événements.

Cette fois-ci, je parierais que tu en sais plus long que moi. Dans tes mines perdues dans la forêt vierge, tu reçois de temps en temps de vieux journaux de France ou d'Amérique. Ils t'apprennent, à quelques semaines de distance, le dernier bouleversement de notre vieux monde. Tu peux te faire une opinion et te mettre à la page.... Ici, à Léningrad, en plein dans un des pays où se préparent les événements de demain, je ne sais absolument rien.

Tu t'imagineras que je veux excuser ma flemme, ayant trop à faire sur mon bateau pour trouver le temps d'écrire. Tu me traiteras de lâcheur. J'en ai un peu l'air, c'est vrai. Mais voilà bientôt trois mois que je ne t'ai pas écrit une ligne.